Pas un pas sans Bata

J’avais huit ans et j'habitais à Lovanium, un campus proche de Kinshasa.
A l’époque, nous vivions les débuts de la société de consommation.
On trouvait partout en ville des panneaux publicitaires avec le slogan « Pas un pas sans Bata ».
L’objet de convoitise de toutes les petites filles était un nouveau modèle de sabots en plastique verni que la marque de chaussures déclinait en plusieurs couleurs.

Je venais de recevoir la veille la paire de sabots que j’avais attendue pendant des semaines et que je portais fièrement.
Ce matin-là, mon père nous a embarqués, mon petit frère, mon amie et moi, dans sa 4L pour rejoindre un club sportif en ville.
Sur la route, il n’a pas réussi à éviter un véhicule qui s’est encastré dans notre voiture.

Nous étions en pleine cité et il n’était pas rare qu’on assiste à des lynchages en cas d’accident.
Mais les blessés étaient dans notre voiture et des inconnus nous ont transportés à l’hôpital.

Souffrant d’une sérieuse commotion cérébrale et de côtes cassées, mon père est resté pendant deux semaines couché dans l’obscurité.
Mon frère, assis à l’avant, a arboré depuis cet accident un deuxième sourire et mon amie n’a eu qu’une égratignure sur la jambe.
Quant à moi, j’ai mis des jours à m’en remettre. 
Je n’ai jamais retrouvé un des deux sabots.

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